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Le Collège territorial de la direction régionale des
finances publiques de Paris – 1/4
Le Collège territorial de la direction régionale des
finances publiques de Paris – 2/4
La fontaine Saint-Sulpice :
"Dans l'eau de la claire fontaine elle se baignait toute nue
Une saute de vent soudaine
Jeta ses habits dans les nues"...
Georges Brassens
L’audience devant le Collège territorial de la
direction générale des finances publiques de Paris le 29 juin 2012
Une belle femme, élégante et souriante, me désigne le siège situé au
fond de la salle qui fait face à un aréopage de quatre ou cinq fonctionnaires d’âge mûr. Leurs noms est inscrit sur un cartel. Devant la personne qui vient de m’adresser la parole et qui occupe
la place centrale, le cartel précise en lettres majuscules : LA PRESIDENTE.
La séance va se dérouler très rapidement :
- La présidente (souriante et vive): Quel est le nom de votre
association, êtes-vous le président ?
J’adopte un débit rapide, une voix claire et
puissante :
- Notre association s’appelle AIDEMA 19. Le président étant retenu par
des obligations professionnelles, il m’a mandaté pour représenter l’association. Je suis l’ancien président de l’association, ancien salarié d’août 2010 à février 2012, la cheville ouvrière de
son développement. Je vais sans doute de nouveau entrer dans le conseil d’administration à l’occasion de notre prochaine assemblée générale.
Et j’ajoute, pour bien faire entendre que je suis bien le bon
interlocuteur : Je suis à l’initiative de la saisine de rescrit et c’est moi qui ai rédigé la contestation que vous avez sous les yeux.
- Comment vous appelez-vous ?
- Je suis Monsieur Péron Xavier.
- Pouvez-vous épeler votre nom s’il vous plaît ?
Je détache nettement chaque syllabe en conservant une voix claire et
puissante…Je sens que l’auditoire accuse légèrement le coup ; des têtes s’enfoncent dans les épaules. J’ai marqué un point : je veux leur tenir la dragée haute.
- La Présidente : Le Conseil va entendre vos arguments, délibérer
et transmettre un avis aux services fiscaux. Vous avez la parole.
Je fais un survol rapide de l’historique et des activités de
l’association, je souligne le caractère désintéressé et bénévole de notre action. Je relève que « nous avons été très surpris de nous voir refuser l’autorisation de délivrer des reçus
fiscaux à nos donateurs ». Je rappelle que nous ne donnons pas de cours d’alphabétisation, que nous orientons les usagers qui le souhaitent vers les structures compétentes. J’indique que
nous recevons toute personne quel que soit son lieu de résidence – la président avait insisté pour que je mentionne cet aspect - Je termine par l’énumération de nos faibles ressources et, parmi
celles-ci en distinguant bien les dons manuels modestes des usagers, et deux plus substantiels des bénévoles. Situation qui motive notre « demande de délivrer des reçus fiscaux aux
donateurs ouvrant droits à une réduction d’impôts ».
En clair : Madame et messieurs, nous avons contesté par écrit votre
rejet. Je vous rappelle nos arguments, et nous attendons toujours (sous-entendu depuis plus d’un an) que vous daigniez vous prononcer clairement avec des arguments recevables. Vous avez compris à
mon attitude courtoise et ferme, que nous sommes déterminés à faire nos valoir droits. C’est mon seul et unique argument.
Et j’achève mon propos en posant la bombe dont j’allume la mèche :
« nous travaillons actuellement à une stratégie de recherche de fonds en direction des entreprises ».
- La présidente : avez-vous lu attentivement les articles 200 1-b
et 238 bis 1-a du Code Général des Impôts ?
- … (je ne connais pas encore par cœur le Code Général des
Impôts et je m’abstiens de répondre craignant qu’elle fasse référence à des articles dont j’ignore le contenu et qui seraient contraires à nos intérêts.)
- La Présidente : le Code Général des Impôts donne une définition
restrictive des organismes d’intérêt général. Vous devez avoir une activité d’ordre éducative, ce qui n’est pas votre cas ; philanthropique, ce qui n’est pas votre cas non plus ; ou
social. Vous entrez effectivement dans ce cas de figure.
Je me rends compte qu’elle fait référence aux articles que je connais et
sur lesquels leur collègue s’est appuyé pour motiver le refus.
A ma droite, un membre de l’éminent jury prend la parole et d’un ton mi
sentencieux et mi indigné m’indique que « Madame la Présidente est en train de vous dire que, suite aux baisses de subventions de l’Etat, de nombreuses associations s’engagent dans la
recherche de fonds privés et se tournent vers les services fiscaux. Or la situation a évolué, l’Etat n’a plus d’argent, et vous savez que c’est l’Etat qui finance les deux tiers des
dons. »
Je ne réponds pas à cette objection, dans laquelle je ne vois qu’une
vaine tentative pour m’intimider en me rappelant à l’ordre de la déférence que je dois à la présidente d’une instance non décisionnelle - elle émet un avis -. Et me faire sentir que je suis
un citoyen bien désinvolte à l’égard de la situation financière calamiteuse du budget de l’Etat.
L’argument me glisse comme l’eau sur la plume du canard. A mes yeux les
choses sont limpides : il y a une loi, elle n’est pas abrogée. Elle doit être appliquée de manière égalitaire pour tous. Point barre.
- La Présidente reprend (toujours souriante et l’esprit agile):
quelle est votre activité principale ?
- C’est l’activité des écrivains publics d’aide aux démarches
administratives.
- La Présidente : votre association est-elle en mesure de prouver,
sous réserve de contrôle, pour quels publics vous intervenez ?
- Oui, nous effectuons un relevé que nous tenons à jour des personnes
qui sollicitent nos prestations, et de toutes les démarches réalisées au cours de nos permanences d’écrivains publics.
- Le même expert reprend la parole : « Nous étudions les
situations sur la base des pièces qui nous sont transmises. Or vos statuts donnent une définition large de votre objet social, et n’indiquent pas que votre association agit spécifiquement en
faveur des publics défavorisés. »
- La Présidente : je vous remercie Monsieur. A présent le Collège
va délibérer. Au revoir Monsieur.
Je me lève, et je lance :
- Madame et messieurs, retenez bien une seule chose : plus de 90%
de nos usagers sont des publics en grande difficulté. Au revoir Madame, au revoir Messieurs.
Je sors serein.
L’audience a durée une vingtaine de minutes. Ce qui semble montrer que
si le Conseil Territorial est comptable des deniers publics, il sait aussi compter et gérer avec parcimonie les minutes consacrées aux citoyens.
Je reste quelques instants à proximité de la porte de la salle pour
griffonner quelques notes. J’entends des éclats de voix. Le Conseil délibère chaudement. Ma bombe aura-t-elle explosé ?
Je musarde dans les rues de ce superbe îlot du Paris historique, avant
de rejoindre l’entrée du parc du Luxembourg dont je fais le tour, en admirant les statues, étonné d'y voir celle de Stefan Zweig.
Je redescends vers le boulevard Saint Michel. Je pénètre chez Gibert
Jeunes.
J’achète « L’homme qui aime les îles » de David
Herbert Lawrence, et « La naissance de la tragédie » de Friedrich Nietzsche.
Et je rentre dans mes quartiers.
Plume Solidaire