Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 février 2009 5 13 /02 /février /2009 15:21


Cela s'est passé il y a trois semaines. Et je vous jure sur la tête du cheval préféré de mon grand-père que ce que je vais vous raconter est vrai. Et vous allez voir la fin : c'est à mourir de rire !





Le cheval préféré de mon frère à défaut de celui de mon grand-père



En arrivant dans la "salle d'attente" j'ai bien remarqué une petite femme que j'ai crue antillaise à la couleur de la couche souriante  mais  superficielle  de  la peau de son  visage. Par ce jour de froid sibérien elle portait un joli manteau beige clair et une sorte de béret de couleur vive. Cela lui conférait une certaine élégance à laquelle « mes pauvres » ne m'ont pas habitué.  Gentille, elle a laissé passer son tour pour une jeune femme avec un bébé. Conduite  tout à fait remarquable à Paris, ville où qu'elle que soit la nature de la place  - ou de l'espace - que vous occupez, elle est essentielle à votre survie. Et je ne fais pas là allusion seulement au contexte automobilistique  qui nous vaut quelques meurtres chaque année ;  ou même métropolitain dans lequel la femme enceinte se doit de s'aguerrir en tenant, au besoin jusqu'à la perte de connaissance, seule la position debout, y compris naturellement en présence de ses consoeurs. Avez-vous remarqué que nos jeunes femmes grosses sont  plus résistantes aux chocs que naguère nos épouses, nos mères, et peut-être même que certaines de nos grand-mères ?



Moi j'vous l'dis, la femme urbaine enceinte d'aujourd'hui, c'est du costaud !


Arrive le tour de mamie.


Ma mamie monte avec moi.


Jusqu'au bureau.


Car à la Maison des Associations, c'est l'homme qui monte le premier dans l'escalier et la femme qui suit. C'est comme ça de toute éternité. Et je respecte toujours les traditions. Certains grands hommes n'ont-ils pas affirmé par expérience que le meilleur moment c'est quand ils montent l'escalier ?


Et commence une aventure pleine de rebondissements.



Avec le ton « médical » que j'affecte en début d'entretien je lance l'habituel : « Que puis-je faire pour vous rendre service chère Mâdââme ? ». Et là ça se complique d'entrée de jeu car la dame se lance dans un dialecte inconnu, parle beaucoup, très fort et tout le temps. Je tends une oreille pour comprendre : rien, je ne comprends rien. Elle agite des courriers devant mes yeux écarquillés et conclut en exigeant furieusement que j'écrive une lettre.


Hou la la la la la....


Je suis désespéré et un sentiment d'incompétence m'assaille. J'ai atteint la limite de mes capacités, c'est simple, c'est clair  comme une épée de Damoclès qui vient de tomber : je suis impuissant. J'avoue  au bout d'un long moment à haute voix, un honteux : « Madame, je suis désolé mais je ne peux pas écrire de lettre parce que je ne comprends pas ce que vous me dîtes ».


C'était comme si j'avais mis un euro dans le manchot. C'est reparti pour un tour dans un mélange de français et d'autre chose. Incompréhensible.



En tendant la seconde oreille je commence à faire mon enquête. En haut à gauche du courrier qu'elle me tend figure son nom : 16 lettres, et son prénom : 11 lettres. Je la regarde avec le sourire satisfait  de l'Inspecteur Maigret des Illettrés qui vient de trouver un indice. Et j'ai la présence d'esprit de prononcer très lentement : « Madagascar ! vous êtes d'origine malgache ? ».



Oui qu'elle me fait dans son langage. Elle est petite mais si elle avait pu sauter au plafond elle l'aurait fait. Et moi aussi. Nous avions réussi à communiquer et à nous comprendre pour la première fois.



Je me sentais un peu mieux. Et pendant qu'elle entamait son troisième tour de piste avec la même détermination, je me mis à étudier attentivement ses documents. Avec ma Troisième Oreille - celle de Theodor Reik (pour les experts)...- j'ai fini par me rendre compte qu'elle considérait son mari comme un escroc, un sinistre malandrin qui semble la séquestrer et la terroriser, un voleur et un assassin potentiel qui mettrait volontiers fin à ses jours à elle...Comme en atteste à l'évidence les relevés de compte bancaire qu'elle brandit sous mon nez. Mais qui datent de 2005...


Hou la la la la la....


Et ça fait bien une heure que nous passons ainsi agéablement le temps, que je n'ai pas avancé d'un iota dans cette affaire, ma mamie toujours aussi agitée, et que je ne sais comment mettre fin d'une manière positive à cet entretien.



En cinq ans c'est la première fois que je suis dans une mauvaise passe. Je suis mal ; je comprends très bien qu'il y a une vraie souffrance, et je ne veux pas la mettre à la porte.



Il y a certainement un dieu pour les écrivains publics en perdition, et là il a eu pitié de moi et il est intervenu avec une efficacité immédiate pour m'inspirer. Alors j'ai exigé que mamie m'écoute, ce qu'elle a compris et qu'elle a fait de toutes ses oreilles sourdes.



Et je lui ai dit avec les mains et la bouche : « de-main à deux heures à la mai-rie ». Elle a compris, elle a resauté au plafond. J'ai répété plusieurs fois très fort.


Et elle a plié ses gaules.


Ouf ! J'avais gagné une bataille mais pas la guerre ; et la guerre ça peut durer un moment. Voici la suite mesdames, mesdemoiselles, messieurs.



Lendemain donc, à deux heures pétantes, j'attendais devant la Mairie, et je la vois qui vient vers moi pleine d'enthousiasme. Elle était si contente de me revoir que ça m'a touché et que, passant outre un code déontholigique non dit mais néanmoins rigoureux, je lui ai fait la bise. A c't'enmerdeuse.



Entre temps le matin, j'avais contacté les services sociaux de la Mairie qui m'ont précisé qu'elle relevait, d'un autre secteur ,et d'un autre service social  situé près de la Place des Fêtes.



Et nous voilà tous les deux dans le bus. Elle était contente, moi non plus ; quoique bien ensemble. Nous faisons le tour de la Place des Fêtes d'un pas alerte. Je suis épaté par la forme physique de la mamie - quelle énergie ! -. Je trouve le service, nous entrons, j'explique la situation avec le sens  de la synthèse qui me caractérise. Alors mamie prend son affaire en mains, se lance dans son quatrième tour de piste avec une assistante sociale, obtient son rendez-vous sans peine.


Et le personnel d'accueil me dit...accrochez-vous bien :


« Monsieur, ne vous faîtes de souci pour cette dame, nous la connaissons très bien. Ce que vous avez fait c'est bien. »



Et là, mamie se casse sans m'attendre ! Je la rattrappe sur le trottoir. Elle est toute contente, on se  serre la main, elle me montre un immeuble en face et elle me fait comprendre avec un grand sourire « c'est là que j'habite ! »....


Tout ça pour ça ! J'ai rien compris, mais rien de chez rien. Mais mamie et moi on a eu une belle aventure et elle avait l'air tellement heureuse en rentrant chez elle. Et puis c'est pas tous les jours qu'on rencontre une malgache sourde qui parle pas français.



De son pas alerte, je l'ai vue s'éloigner. J'avais l'air con, mais content !



Quelques jours plus tard j'ai reçu un haïtien. J'étais fou de joie en sortant du bureau. Non seulement il était tout heureux que j'aie  identifié sa véritable origine, mais surtout, j'ai découvert que je parle l'haïtien couramment.


Et ça m'a comme ôté une épine du pied...




Plume Solidaire



Lire d'autres chroniques des permanences : A quoi sers-je ?



Partager cet article
Repost0
12 février 2009 4 12 /02 /février /2009 19:14

Mise à jour  le 21 mars 2012, 6 décembre 2022
 

Un jardin exotique à Paris par mairiedeparis

Au retour de mon dernier séjour au Vietnam en 2005 j'ai écrit un texte illustré, documenté et augmenté d'une bibliographie, substantielle de mon prétentieux point de vue.

J'y ai travaillé 6 mois. J'y abordais des thèmes tels que les diverses religions, les ethnies, le mandarinat et le confucianisme, l'histoire du Vietnam des origines au communisme en passant par l'étude des différentes périodes de la colonisation française, les effets à long terme de l'agent Orange (dioxine), l'économie, les traditions... d'hier et d'aujourd'hui. Bref un vrai travail de mandarin.

Je me suis naturellement aussi intéressé par extension aux expositions coloniales et aux zoos humains.

Exposition coloniale de 1907 - Visiteurs intéressés par les femmes exhibées dévêtues

Source Onac78

Lorsque j'ai découvert l'existence du Jardin Tropical de Paris en novembre 2005  j'ai voulu immédiatement en faire l'exploration.

L'endroit, qui se trouve en bordure du bois de Vincennes et d'une rue jalonnée de jolies villas, est discret. On y pénètre par une reproduction de portique asiatique qui marquait l'entrée de l'exposition de 1907.

J'ai tout d'abord été frappé en constatant l'état d'abandon du site, malgré un début d'élagage et de taille des arbres  ; et l'absence de toute surveillance publique. 

Puis j'ai été saisi par cette impression étrange qui vous envahit lorsque vous prenez subitement conscience que vous vous trouvez dans un endroit « chargé d'histoire ». Un site sans vie, oublié de tous, à l'écart des foules de la ville ; où pourtant deux millions - je répète en chiffres : 2 000 000 - de personnes se sont promenées pour observer des femmes et des hommes se livrant à leurs activités quotidiennes ou coutumières. Des femmes et des hommes directement transplantés de leurs villages d'origine sur toute la planète, dans des villages factices ; contraints d'y vivre le temps de l'exposition, et directement acheminés dans leur village au retour.

Tel était le principe du zoo humain. A la fois une extraordinaire leçon de géographie humaine pour les métropolitains, et une terrifiante démonstration politique de la "culture" coloniale de la France de la III ème République.

Peu à peu je me suis trouvé au milieu d'une « friche » historique et culturelle.  Les bâtiments plus ou moins délités et les monuments, aux origines géographiques reconnaissables à leur architecture, à leurs décorations et à leurs symboles, livraient  le sens de leur présence : leur fonction de représentation  et de mise en scène de la puissance de l'empire dans ce qui fut une exposition sous la forme nouvelle et attractive à l'époque d'un musée ethnologique vivant.

Immergé dans ce site comme j'avais pu l'être à Delphes, Volubilis ou Ephèse, ces traces artificielles mais solides d'une manifestation éphémère ont été pour moi les supports d'un voyage imaginaire profondément émouvant et troublant dans l'histoire des hommes de France. Dans l'histoire des représentations de l'homme et de leurs relations - des « mentalités » de l'époque  du colon et du colonisé - ; interrogeant en retour cette fameuse identité nationale qui fait résurgence au point d'en constituer à présent un ministère.

Lieu méconnu aujourd'hui, jadis parc d'attraction , maintenant ruines  qui témoignent du refoulé d'une partie de notre mémoire. Devenu justement  lieu de mémoire pour celles et ceux qui rendent encore hommage ici à Paris, à celles ceux qui venaient de toutes les colonies de l'empire et qui sont morts au nom d'un certaine idée que les français s'étaient faits d'eux-mêmes et de la France, et de ses intérêts. Et qu'elle inculquait aux indigènes.

 Dans les notes que j'ai retrouvées ce matin j'avais relevé les traces qui m'avaient particulièrement touchées :

Une plaque rappelle que René Dumont, considéré comme l'inventeur de l'écologie politique a été étudiant à l'école des ingénieurs d'agronomie coloniale qui au début ne comptait que quelques étudiants.

  • Le superbe pavillon du Congo a été détruit par un incendie en 2004, les restes calcinés sont restés en l'état
  • Le monument aux morts malgache, isolé sur une allée est superbe. De style art déco et probablement en marbre.
  • Particulièrement émouvants sont les monuments aux morts laotiens et cambodgiens, qui contrastent avec l'importance de celui qui est consacré aux vietnamiens

Plusieurs informations, en particulier celles qui figurent sur les panneaux qui présentent les bâtiments ne sont pas mentionnées dans ce site Internet. »

Cependant  je ne puis que vous inciter à lire le site de ONAC78, baudelet.net et Le Jardin d'Agronomie Tropicale sur Paris.fr , qui à mes yeux est celui qui restitue le plus fidèlement l'histoire de ce lieu.

Plume Solidaire

Partager cet article
Repost0
12 février 2009 4 12 /02 /février /2009 09:38
L'homme n'est que poussière, c'est dire l'importance du plumeau

Alexandre Vialatte
Partager cet article
Repost0

Qui Suis-Je ?

  • : Plumeacide, écritures publiques et arts énergétiques internes chinois
  • : Plumeacide est une histoire de fraternité républicaine avec celles et ceux qui s'embrouillent avec les chiffres et les lettres. Au fil des années il est devenu aussi la mémoire visuelle de ma pratique des arts énergétiques internes.
  • Contact

Allo, y a quelqu'un là ?

 
Plumeacide poursuit doucement mais sûrement son voyage dans la blogosphère, et va vers sa deuxième millionième page visitée ! Mââgique !
 
  
2 objectifs et 10 règles pour l'écrivain public (vidéo 3'30)

 

 
 
Bonne visite et à bientôt
espère-je !
 
 

Pourquoi me bouge je ?

Le monde n'est pas
difficile à vivre à cause
de ceux qui font le mal,
mais à cause de ceux
qui regardent
et laissent faire

Albert Einstein

Le Film de l'immigration

  25839 71896

Un film de 40 minutes pour deux siècles d’immigration en France. 

 

Source :

Cité nationale de l'histoire de l'immigration