Aux Arts Premiers, les derniers furent les premiers
Aux Musée des Arts Premiers, nous partîmes 17 (inscrits à l’origine) et étions positivement 12 en arrivant à bon port, sous la pluie
battante.
En cette veille de Fête Nationale de la Fédération et de la Concorde, nous présentions le visage vrai de la Diversité.
6 immigrés (personnes nées à l’étranger), 6 français nés en France dont 1 seul d’extraction 100% française métropolitaine !
Vietnam, Algérie, Bulgarie, France, Rwanda. Nous étions tous là dans la pluralité de nos origines nationales, de nos convictions religieuses –
catholique, musulmane, orthodoxe, bouddhiste, agnostique -, politiques sans doute ; sexuelles à n’en pas douter, générationnelles (14 à 70 ans), d’éducation scolaire : de l’analphabétisme au
doctorat.
Et je crois bien qu’il n’y avait pas de sans-papiers. Un comble, une diversité impeccable, irréprochable.
Une diversité dont certains d’entre nous avaient peut-être vaguement conscience, mais qui dans les faits - dans le contexte de notre association en tous
cas - nous est terriblement banale, triviale pour ainsi dire. Une diversité sans discussion, ni débat. Une question qui ne se pose pas, une question sans intérêt en somme. Nous pratiquons la
diversité de nos identités comme Monsieur Jourdain, dans « Le bourgeois gentilhomme », découvrant avec bonheur qu’il faisait de la prose sans le savoir.
Hier, c’était en marchant sous la pluie et en partageant nos parapluies que nous VIVIONS ensemble nos identités, dirigeant nos pas dans la MÊME
DIRECTION ; sur le MÊME SOL.
Pour moi donc, en ce matin au cours duquel les Préfets attendaient les instructions du Ministre de l’Immigration pour animer le débat sur l’Identité
Nationale la question est close.
Le drame est que justement, 62% des français selon un récent sondage approuveraient le principe d’un débat sur l’identité nationale.
Les deux tiers donc.
Lancer un débat national sur l’identité française semble manifester que celle-ci serait compromise ou altérée. Par perte d’identité ou par trop
d’identités ? Sentiment ou réalité ? Réalité d'un sentiment peut-être.
L’identité n’est pas un état. L’identité est un processus vivant, permanent, de construction et de perte dues à un nombre infini de statuts et rôles qui
interagissent et s’influencent. Qui assurément, organisent l’évolution de notre environnement, de notre vie, déterminant la marche de l’humanité.
Ces statuts sont aussi bien d’ordres culturels, économiques, sociaux, géographiques, génétiques (handicap par exemple) ou biologiques quand il s’agit de
la santé…
Parler d’identité, c’est tenter de décrire ce à quoi nous pouvons ressembler aujourd’hui pour en faire la photographie. Une photo obligatoirement floue,
qui reproduirait partiellement et vainement la réalité. Tant nos perceptions sont morcelées et partiales ; (dé)formées par notre éducation, l’influence de notre entourage, les choix résultant de
notre expérience, nos savoirs certes mais aussi nos croyances, notre caractère, nos humeurs et nos émotions…Une photographie qui devrait nous inspirer une grande humilité sur la fragilité
de notre destinée individuelle et globale. Une humilité qui devrait nous inciter à nous rapprocher, à nous conduire vers plus de tolérance, à une vision solidaire globale. Et à conforter notre
aptitude à l’hospitalité.
L’hospitalité est le marqueur des peuples riches de leurs humanités.
En quoi, le repli sur soi de certaines communautés d’origine étrangère, tout comme le repli sur les valeurs traditionnelles ou sur leurs milieux sociaux
d’une grande partie des français de souche, contribuent-ils à l’identité française ?
Au fond, tout se tient dans une question essentielle : est-ce que toutes ces identités individuelles, ces segmentations communautaires peuvent se fondre
en se conjuguant dans un ensemble futur, dans un projet commun, sans avoir le sentiment de perdre leur spécificité ?
Par ailleurs à quoi peut bien servir un débat sur l’identité nationale pour un peuple membre de l’Union Européenne ?
La France est la symbiose des multiples populations qui la composent. C’est cette extraordinaire diversité – avec ses tensions et ses oppositions - qui
en fait la richesse mais aussi la complexité. Mais c’est à cette réalité, et à cette diversité qu’elle doit son rayonnement, l’admiration qu’elle suscite à l’étranger. La France extrait une part
essentielle de son énergie créative de la diversité de ses habitants.
Depuis la Révolution Française, la République est l’incarnation et l’assemblage au fil des migrations de la diversité des origines régionales, puis
mondiales avec la période coloniale suivie de celle du regroupement familial. 200 millions de francophones véhiculent ses valeurs à travers leur représentation de la culture française.
L’identité française a été débattue bien avant nous ; elle est le résultat de notre histoire, et aussi le fruit amer de guerres, souvent
fratricides.
La devise républicaine – Liberté, Egalité, Fraternité - inscrite au fronton de nos édifices publics est l’expression de notre identité nationale, et
contient sa diversité dans son principe universel.
L’identité nationale n’a donc pas lieu de faire l’objet d’un débat public; à moins de prendre le risque de réveiller les démons d’une confrontation
idéologique et politique que l’on croyait disparue depuis plus de soixante ans. De conduire à la discorde nationale et à vivre sous l’empire d’une pensée autoritaire.
La diversité se vit avec les pieds et dans la tête, exactement comme la digestion fonctionne sans la pensée.
Prendre conscience du bien être qu’apporte une bonne digestion n’implique en rien la nécessité d’en débattre. La santé est une condition sine qua non
pour vivre.
Il en est de même de l’identité nationale dont la cohésion prend racine dans l’acceptation de la diversité, condition du vivre ensemble.
Savoir, apprendre, ou tout simplement continuer à vivre ensemble suffit pour en apprécier les bienfaits. Pourvu que nous persévérons dans cette
voie.
J’ai dit !
Plume Solidaire