Guy Carcassonne - Les Matins
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Résumé du chapitre 2:
La question posée était :
Confrontée à l’apparition du voile intégral notre société doit-elle être intolérante ou l’intolérante ?
Mon point de vue est que, en raison de son caractère discriminatoire, qui introduit une conception contraire au principe républicain d’égalité entre les sexes, le voile intégral constitue une atteinte au respect
d’autrui par l’expression du refus des règles implicites de la vie en commun.
C’est là que réside le tort fait à autrui par l’atteinte aux libertés publiques, dès lors que cette coutume enfreint la neutralité implicite de l’espace public
Le rôle de l’Etat n’est pas de définir le Bien en matière de libertés individuelles, mais de se porter garant du pluralisme des idées et des opinions au nom de l’intérêt général, en interdisant les conduites qui traduisent des attitudes d’exclusion fondée sur
l’intolérance.
L’Etat a trois possibilités d'action.
- Recourir aux Lois existantes, permettant par exemple le contrôle d’identité des personnes qui portent le voile intégral
- Légiférer par la voie parlementaire par un projet de loi d’interdiction générale, ou par un projet de loi ciblée
- Ne rien faire
L’Avis du Conseil d’Etat
Cet avis doit considéré comme une réflexion éclairée sur le droit constitutionnel et partant comme un conseil adressé au
gouvernement sur la procédure et le contenu juridique d‘un projet de loi.
Dans l‘avis qu‘il a rendu, il considère qu’il n’y a pas de véritable antécédent à
l’invocation de ce qu’on peut appeler l’ordre public immatériel, en conséquence de quoi il a souligné l’existence d’un risque. Au pire elle serait déclarée non conforme à la
constitution, et contraindrait à l’élaboration d’un nouveau texte.
La position de Guy Carcassonne
Celui-ci consiste à proposer une « Loi pour tout ce qui dissimule le visage,
ce qui évite le reproche de discrimination possible contre le voile intégral, et prévoyant toutes les exceptions nécessaires» .
Passant au crible les principes qui rendraient acceptables cette Loi au regard de la Constitution, il exclut
successivement :
- l’interdiction au nom de la laïcité car « c’est la République qui est laïque, et la République ce ne sont pas les citoyens. La laïcité ce sont
institutions publiques, les services publics qui sont soumis à la neutralité religieuse.»
- contrairement à mon point de vue, il rejette le principe de « l’égalité homme femme : rien n’interdit à un homme de porter une
burqa. Il n’est dit nulle part que seules les femmes doivent porter la burqa. Ce n’est donc pas un problème d’égalité. »
- Il ne retient pas non plus le principe de la dignité, en dépit du fait que l’ « on voit bien que le port de
la burqa est une atteinte soit à la personne de manière générale, soit à la dignité de la personne en particulier. »
Ce principe n’est pas mobilisable « parce que le principe de la dignité de la personne a été construit pour protéger la personne contre les traitements
inhumains ou dégradants que l’Etat pourrait lui infliger. Ce n’est pas un principe qui autoriserait le législateur à décider à notre place ce qui est digne de nous. Sinon on
ferait du principe de dignité l’ennemi de la liberté. Le mot dignité n’apparaît pas dans la Constitution mais c’est un principe
constitutionnel. En conséquence l’Etat n’a pas le droit de dire à ces femmes ce qui est digne d’elles ou ce qui n’est pas digne d’elles. (…) En allant plus loin, si l’on
interdit la burqa au nom de ce principe ce serait la levée en masse des ligues de vertus s’opposant à la prostitution, à la pornographie, aux seins nus sur la plage, au
piercing… »
En conséquence, au terme de son analyse, « il ne reste qu’un seul
principe : celui du respect de l’ordre public. Qui pose la question de la définition. Dans sa définition il intègre la santé publique, la salubrité publique, la sécurité publique et un ordre
public immatériel qui est en quelque sorte « les bonnes mœurs .
La dissimilation intégrale du visage est parfaitement asymétrique de la nudité intégrale. Pourquoi a-t-elle toujours été
interdite ? Au nom d’un ordre public immatériel : ce n’est pas violent, ça ne fait de mal à personne et pourtant c’est interdit. Dans les deux cas il s’agit d’une atteinte à l’ordre
public.»
Prochain article : Conseil d’Etat, Conseil Constitutionnel (4)
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Plume Solidaire