J’ai entendu que 80% des français affirment préférer Barack Obama à John McCain. Si en 2012 un
candidat noir se présentait aux élections présidentielles en France, serait-il élu avec 80% des suffrages ?
La réponse, c’est Rama Yade, la secrétaire d’Etat aux affaires étrangères et aux Droits de l’homme qui l’a apportée ce matin entre 8 h 20 et 8 h 30, dans l’émission « Les Matins de France
Culture ».
« Le système politique français n’est pas favorable à l’émergence d’un Obama français (…) on ne voit pas sur le terrain électoral émerger beaucoup de personnalités (…) Regardez les dernières législatives : il n’y a pas eu un seul élu issu de l’immigration (…) La France en est capable mais il y a eu un recul qui n’est pas du au peuple français mais aux partis politiques qui sont conservateurs »
Dans ce domaine, nous en sommes donc réduits à constater que nous sommes encore loin des américains qui semblent jour après jour se rapprocher bel et bien de l’élection d’un noir à la tête de l’Etat fédéral. Américains qui ont pourtant élu le Président le plus représentatif des valeurs de la frange minoritaire la plus conservatrice de l’Amérique. Calamiteux Georges W Bush qui pourra tout de même s’honorer d’avoir eu deux collaborateurs noirs dans son équipe, Condeelizza Rice et Colin Powell.
Rien ne permet de croire aujourd’hui que cette situation inédite aux USA, un noir en situation d’entrer dans deux jours à la Maison Blanche, puisse se produire en France, à l’Elysée.
Si je partage l’avis de Rama Yade sur le fait que ce sont les partis politiques qui empêchent l’émergence des candidats de couleurs – j’ai été invité il y a deux ans à assister rue de Solférino au siège du Parti Socialiste, à une réunion de l’élite française noire des militants qui tentaient de s’organiser dans ce sens -, je n’en suis pas moins convaincu que les français ne sont toujours pas disposés à accorder majoritairement leurs votes à un candidat noir. Car si les USA ont connu l’apartheid nous avons eu la colonisation, dont les effets pervers ne cessent de perdurer.
La question de la couleur de peau de Barack Obama pour les français n’aurait qu’une importance secondaire si nous nous présentions sous le visage d’un peuple aussi ouvert et accueillant à l’égard des immigrés, et aujourd’hui des noirs, que semblent le devenir les américains. Et si les français ne venaient pas d’élire il y a un an et demi seulement à la tête de l’Etat un homme qui a prononcé le discours de Dakar. Discours qui exprimait au nom de la République Française et de tous les français, le contraire d’une attitude d’ouverture d’esprit, de tolérance ; une posture à l’opposé d’une conception égalitaire et fraternelle des relations entre français et africains. Rappelons aussi au passage que les français ont porté en 2002 le candidat du Front National au deuxième tour de l’élection présidentielle.
Hypocrisie, effet de mode, changement d’opinion sous l’influence du modèle américain ou schizophrénie ?
Je pense plutôt à une schizophrénie bien française entre la pulsion de la bonne conscience droits de l’hommienne, et la cécité concernant les véritables enjeux de cette élection pour l’Amérique et pour l’humanité. Eternelle aptitude à voir les choses superficiellement, à nous rallier au conformisme du jour, sans être vraiment concerné. Formidable inconséquence du sens commun…
Car la question c’est de savoir en quoi la couleur de peau d’un citoyen américain sorti de l’une des grandes universités – Harvard (Massachusetts) - qui forment (formatent ?) l’élite politique et économique des Etats Unis – et on sait à quelle vitesse, comme en France leurs anciens élèves passent d’un secteur à l’autre -, a à voir avec les aptitudes, incontestables au demeurant en qui concerne Obama, à diriger la première puissance mondiale.
Et le premier enjeu – aveuglant s’il en est – de l’élection américaine, sera la capacité de Barack Obama, s’il est élu, à administrer des remèdes efficaces à la crise financière et économique partie des Etats-Unis ; crise dont la source est le déficit abyssal de la balance des paiement américaine.
Le socialisme français faisait croire aux pauvres qu’ils deviendraient riches en travaillant moins ; le résultat c’est l’accroissement considérable des inégalités, de la pauvreté et le retour de la misère en France. Le libéralisme américain a expliqué aux pauvres que en fait ils étaient riches, et qu’ils pouvaient emprunter à taux variable sans compter. Le résultat fut la crise immoblière et financière aux USA, exportée ensuite à toute la planète.
Si Barack Obama le noir est élu ce premier mardi de novembre 2008, il devra apporter la preuve que, ni sa couleur de peau ni ses origines n’ont d’influence sur la construction de l’avenir économique et politique planétaire, dont il sera l’un des principaux maître d’œuvre.
Plume Solidaire
Prochain article à paraître : l’illettrisme aux Etats Unis