A l’école on apprend à lire… Mais comment lire une façade ? Son rythme, ses lignes horizontales, verticales ? Comment regarder un mur aveugle sans déprimer ? Derrière certaines
façades, il y a des cours à découvrir, et dans les étages habitent des gens qui parfois sont écrivains…
Cette balade urbaine se tenait à l’occasion de Lire en Fête. Le rendez-vous était fixé à 11 h 00 par une matinée d’automne ensoleillée idéale, rue de Palestine derrière l’Eglise Jean Baptiste de Belleville, où habite Lise Martin, auteur dramaturge.
« Regardeur de façades habitant du quartier », c’est ainsi que Bruno de Baecque se présente avec humour. Et en parcourant son site Internet il est aisé de se rendre compte que son art tient dans la manière de regarder sous un angle différent et insolite les œuvres d’art, ou notre cadre de vie en l’occurrence.
L’itinéraire que nous allons suivre tient dans un mouchoir de poche : rue des Solitaires, rue de Belleville, rue du Jourdain, rue des Pyrénées, rue Jean Baptiste Dumay, rue Clavel, rue des Alouettes / rue Carducci, rue de la Villette.
Puisque l’inédit, l’insolite, le décalé, sont actuellement les appâts de la curiosité intellectuelle à la recherche de « nouvelles émotions », de surprises et d’étonnements, nous emboîtons le pas de notre regardeur urbain avec enthousiasme.
Et disons le d’entrée de jeu : les arpenteurs de ce quartier du haut de Belleville ne seront pas déçus, et leur soif d’émotions urbaines sera avec bonheur temporairement étanchée.
Nous nous apercevons bien vite qu’il suffit d’être un peu attentifs aux façades qui nous entourent pour constater que certaines d’entre elles se distinguent par leur originalité, leur manière particulière de s’intégrer en s’emboîtant entre des immeubles d’époques différentes, l’alternance des couleurs et des formes qui les rythment. Nous en avons l’exemple sous les yeux avec le bâtiment en béton de la paroisse datant des années soixante aux lignes verticales, et dont la rupture de hauteur s’harmonise pourtant avec les immeubles mitoyens.
Cité du Palais Royal de Belleville – 140 rue de Belleville
Le parcours est entamé rue des Solitaires ainsi dénommée parce qu’elle aurait accueilli deux religieuses de l’ordre de Sainte Claire, consacré au silence et à la retraite. A la hauteur des
n° 18 et 20, sur les maisons qui font face à la rue des Annelets - où résident Jean Echenoz et Olivier Cadiot -, des statues de Mercure et Cérès sont installées dans des niches au
niveau du 1er étage.
Nous remontons de quelques pas la rue des Solitaires pour nous arrêter devant le portail où un panneau indique l’entrée de l’ancienne Cité du Palais royal de Belleville. A l’intérieur les petites
maisons de R+1 de part et d’autre de l’allée pavée bordée d’arbres étaient les bâtiments dans lesquels sous le règne de Louis XIV, étaient entreposés les décors du théâtre du Palais-Royal.
Nous regagnons la rue de Belleville. Au 140, le groupe s’engage sous un porche et pénètre dans une cour d’immeubles de 2 étages ; une ancienne cité ouvrière où jadis vécurent des moines
(photo de la façade et de la cour). Les arbustes et les plantes en pot agrémentent la cour pavée et les façades lumineuses.
L’ancienne mairie de Belleville - le 10 rue Jourdain - le 145 rue de Belleville
Gagnant le métro Jourdain, Bruno de Baecque nous fait observer l’immeuble de l’ancienne mairie de Belleville en face de l’église. Nous entrons dans la cour par le 10 rue du Jourdain. Une longue
bande de pelouse, de plantes et d’arbustes bordée de trottoirs longe les 2 alignements d’immeubles de 4 étages construits en 1885.
Curieux détail historique : les plantes sont des herbacées apportées d’Afrique Noire par les « tirailleurs sénégalais » qui résidaient dans ces immeubles à la fin de la première guerre mondiale. Ainsi, la "Sékou Touré", du nom de l’ex-Président de Guinée, utilisée contre le paludisme, voisine avec d’autres plantes destinées à soulager les douleurs de l’accouchement.
Nous traversons la rue de Belleville pour entrer dans le passage privé du 145 par bonheur ouvert. De part et d’autre d’une étroite allée pavée se tiennent des ateliers d’artisans et d’artistes. Un sculpteur ébéniste apprécié des milieux du design et des particuliers y est installé.
Rue du Jourdain : Librairie de L’Atelier - les écrivains du quartier
Nous nous dirigeons vers la rue des Pyrénées en descendant la courte rue du Jourdain. Premier arrêt devant l’excellente librairie « L’Atelier » fréquentée par une clientèle de romanciers et d’écrivains universitaires. Quelques noms sont égrainés parmi les plus illustres habitants du quartier : Jacqueline Rémy écrivain et ancienne rédactrice en chef à l’Express (« La Républiques femmes » en 2007), la célébrité de la rentrée littéraire du moment : Boris Bergmann, âgé de 15 ans et auteur de « Viens là que je te tue ma belle », Jean Gattégno (décédé en 1994) : spécialiste de science-fiction et de littérature anglaise, Directeur du livre et de la lecture au ministère de la Culture et de la Communication. Résident également des personnalités des milieux intellectuels moins connues du grand public : philosophe, auteur de romans policiers et de science fiction pour la jeunesse…
A l’angle de la rue des Pyrénées, les deux immeubles qui se font face présentent un étrange similitude : la présence des « bow windows ». Une occasion de faire l’historique de ce
détail architectural. Ce type de balcon était une manière de gagner de l’espace privé sur l’espace publique sans avoir à payer d’impôt foncier. C’est la raison pour laquelle la bourgeoisie du 19e
prisait ce type d’aménagement, initialement en posant des fenêtres ; puis en intégrant entièrement la structure à l’architecture de la façade.
Fondation Rothschild - librairie « Le Presse papiers » - « space invadors » - rue Clavel
Une courte descente de la rue des Pyrénées, le groupe qui commence à s’éclaircir avec l’heure du repas qui s’approche, remonte la rue Jean Baptiste Dumay pour visiter la cour des immeubles de la
Fondation Rothshild construits, comme l’indique la plaque commémorative sous le porche (photo) « Pour l’amélioration des conditions des conditions de l’existence matérielle des
travailleurs » au début du siècle dernier. Poursuivant la descente de la rue de Belleville, nous passons devant la Libraire « Le Presse papiers » qui accueille de nombreuses
personnalités telles que Marie Josée Nat et Guy Marchand récemment.
Plus bas, au-dessus de la plaque de la rue Melingue, puis au-dessus de celle de la rue Clavel, des signes appelés « space invadors » ont été collés sur le pignon par un artiste.
La montée de la rue Clavel réserve plusieurs surprises. Les ruptures de l’alignement vertical des derniers étages de l’immeuble situé derrière La Poste, et plus étonnant, la présence des balcons curvilignes d’un immeuble de briques rouges qui suggère une vision ondulatoire de l’ensemble de la façade.
Presque en face, la façade de la fabrique artisanale des « Peignes Mermet » reste un témoignage de l’activité économique ancienne du quartier. Parvenus en haut de la rue, la percée du
Square Bolivar, rénové en 2007, vers l’avenue Simon Bolivar en contrebas, se distingue par la singularité de son dessin en forme de flèche.
Fondation Jules Richard
Nous faisons une brève pause pour admirer la façade de la Fondation Jules Richard, rue Carducci, qui forme un ensemble harmonieux avec le collège Chappe de l’autre côté de la rue des Alouettes.
Jules Richard, dont l’entreprise était située rue Melingue, ne trouvant pas d’ouvriers suffisamment qualifiés pour travailler dans ses usines, créa ce centre d’apprentis en 1924 dans ce bâtiment
cédé par la Ville et ravagé par la guerre.
La rue de la Villette – Fresque rue Fessart – Villa de l’Adour – Lavoir industriel
En redescendant vers la rue de Belleville par la rue de la Villette, le regard au carrefour en direction de la rue Fessart révèle un pignon d’angle peint en trompe l’œil qui représente des
fenêtres s’harmonisant avec la façade principale.
Dans la partie basse de cette rue animée aux commerces branchés, nous entrons dans la Villa de l’Adour où deux femmes architectes ont rénové l’une des maisons en intégrant une façade
contemporaine qui défraya la chronique dans le quartier.
A peine plus bas, le lavoir industriel est une maison traversée par une cheminée de briques rouges ; étrange association entre fonction économique et habitat urbain.
La promenade s’achève dans une cour voisine qui nous conduit à traverser deux porches menant successivement à une seconde cour puis, à travers l’entrée d’un troisième bâtiment, à un jardin
enserré dans de hauts murs de briques égayés par des plantes grimpantes.
C’est donc l’oeil rassasié d’images qui enrichissent la connaissance de notre cadre de vie que le petit groupe se disperse dans la bonne humeur, l’esprit déjà ouvert à de futures lecture inédites des quartiers de Paris.
Renseignement au 01 42 01 37 16, ou au 06 82 29 37 44, et par mail : VuSousCetAngle@wanadoo.fr
Site : vusouscetangle.net
Auteur de romans et de textes adaptés au théâtre, Olivier Cadiot participe à 'La Nouvelle Traduction de la Bible', publiée en 2001. Il est surtout reconnu pour ses poèmes et ses écrits comme 'Rouge, vert & noir'. Il est considéré comme une figure emblématique de la poésie contemporaine. Olivier Cadiot écrit également des pièces de théâtre comme 'Happy Birthday to you', 'Soeurs et frères' - mise en scène par Ludovic Lagarde - 'L' Anacoluthe' et 'Platonov' en 1995. Entre temps, il rédige encore des ouvrages comme 'La Bible : psaumes', 'Retour éternel et durable de l'être aimé' en 2002, et sa suite 'Fairy Queen', création du festival d'Avignon 2004. En 2007, paraît un autre roman, 'Un nid pour quoi faire'. Ecrivain inspiré, Olivier Cadiot imagine des fictions dont l'énergie s'exprime d'autant mieux sur scène.
Après des études de sociologie et de génie civil, il collabore épisodiquement à 'L' Humanité' et se lance dans l'écriture. Sa vocation d'écrivain lui est apparue dans son enfance, après avoir lu 'Ubu roi'. Echenoz publie son premier livre à vingt deux ans : 'Le méridien de Greenwich'. Ses romans remportent par la suite de nombreux prix : le Prix Médicis pour 'Cherokee' en 1983, le Prix Novembre 1995 pour 'Les grandes blondes' et le prix Goncourt, en 1999, pour 'Je m'en vais'. En 2001, il publie 'Jérôme Lindon' en hommage à son éditeur disparu et, deux ans plus tard, c'est 'Au piano' qui se retrouve dans les librairies. Son style ironique et sa vision du monde continuent de passionner ses lecteurs. 'Ravel', son roman publié en 2006, vient confirmer son statut de grand écrivain français.
Lise Martin a suivi un parcours de comédienne et fut assistante du metteur en scène Jean-Louis Jacopin. Aujourd'hui, elle se consacre à l'écriture, elle signe des pièces de théâtre, des
scénarios, des livres pour enfants et des nouvelles. Elle fut boursière de la fondation Beaumarchais pour un court-métrage La Chambre d'amour, récompensé dans plusieurs festivals.
Plusieurs de ses pièces sont éditées aux Editions Crater, dont Abri-Bus, pièce pour laquelle elle a obtenu une bourse du CNL. Elle participe à de nombreux ateliers d'écriture auprès d'un
public marginal, dans le cadre du Théâtre Ecole de l'Hippodrome/ Scène Nationale de Douai. Elle fut la lauréate de la villa Mont-Noir pour l'année 2001/2002.
Après avoir passé mon enfance et mon adolescence dans une France très provinciale, je me suis échappée à la capitale pour faire du théâtre avec comme prétexte des études de langues. Je suis
devenue comédienne, puis assistante à la mise en scène et enfin réalisatrice tant à la télévision ( documentaires) qu'au cinéma ( courts-métrages). Tout au long de ce périple, j'écrivais sans
trop oser le revendiquer. Et puis un jour, un petit coup de pouce du destin m'a fait basculer dans l'écriture. Depuis, je navigue entre plusieurs genres, scenarii, contes, nouvelles, pièces de
théâtre et ateliers d'écriture.
La Chambre d'amour (1995)
Abandon (1999)
Abri-Bus (2001)
Adoption (1999)
Azaline se tait (2001)
L'Homme coing (2000)
L'Homme orange (2000)
L'Inspecteur Laguerre (2001)
Loki (2000)
Pacotille de la ResquilleSéparation (1999)
Séparation (1999)
Une Vie de baleine sans une goutte de lait (1997)
Site : chartreuse
Agrégé d’anglais, spécialiste de science-fiction, Jean Gattégno enseigna la littérature anglaise à la Sorbonne puis à l’université de Tunis où il fit la connaissance de Michel Foucault. Il
contribua dès 1968 à la création du Centre universitaire expérimental de Vincennes. Auteur d’ouvrages destinés à mieux faire connaître la littérature anglaise (Lewis Carroll, 1974 ; Dickens,
1975), Jean Gattégno fut également le traducteur de H. G. Wells, George Eliot, Ralph Steadman, Edgar Poe, Oscar Wilde, Lewis Carroll, dont il fut l’éditeur dans la « Bibliothèque de la Pléiade ».
De 1981 à 1989, il fut Directeur du livre et de la lecture au ministère de la Culture et de la Communication, puis délégué scientifique de l’Établissement public de la Bibliothèque nationale de
France. Son action au ministère de la Culture a été à l’origine de la création de l’IMEC.
Journaliste et écrivain, Jacqueline Remy a été rédactrice en chef à L'Express. Elle est notamment l'auteur de Nous sommes irrésistibles (Seuil, 1990), Essaie encore (Lattés, 2005) et Nos enfants nous haïront (avec Denis Jeambar, Seuil, 2006).
Comment je suis devenu français (ouvrage collectif - octobre 2007 – 251 pages)
Comment devient-on français quand on vient d'ailleurs ? Comment, peu à peu, s'imprègne-t-on d'un pays ? Quelle relation garde-t-on avec son pays d'origine ? Et que signifie aujourd'hui " être
français " ? Alors que l'on débat en France de l'identité nationale, de l'intégration et de l'immigration, il était intéressant de poser ces questions à des femmes et des hommes qui, nés à
l'étranger, ont acquis la nationalité française par choix, hasard ou nécessité.
Vingt personnalités ont accepté de témoigner. Toutes ont suivi des chemins extraordinaires. Elles parlent de leur pays d'adoption avec tendresse, pudeur, ou déchirement. Leurs récits juxtaposés
démontrent combien la question de l'intégration est à la fois collective et individuelle, politique et sentimentale, terriblement complexe. Ce sont des personnages de roman. De notre roman
national, désormais.
Les livres de Boris Bergmann-Grünebaum
Viens là que je te tue ma belle
Boris Bergmann est né en 1992. A treize ans, en quatrième, il découvre le rock'n'roll et da littérature : Alain Pacadis, Patrick Eudeline, Lester Bangs... Bientôt, il a le droit de sortir.
Concerts, nuits blanches, amitiés, amours et transgressions. Deux ans plus tard, Boris n'est plus le même. Comme pour toute une génération française, le rock'n'roll a changé sa vie. Viens là que
je te tue ma belle est le récit imaginaire de ces deux années initiatiques. Pour Boris, rien ne sera plus comme avant. Il vient d'avoir quinze ans. Et, c'est sa première rentrée littéraire. Grâce
au rock'n'roll.
Site : lechoixdeslibraires
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