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5 janvier 2011 3 05 /01 /janvier /2011 18:00





EspritDePhiladelphie.jpg

 

 

Source :Sinelege


 

Par Jean Baptiste THIERRY

 

Alain Supiot, auteur notamment  de Homo juridicus, essai sur la fonction anthropologique du droit, a récemment publié un ouvrage marquant, à plus d’un titre, aux éditions du Seuil : L’Esprit de Philadelphie, la justice sociale face au marché total. D’utilité publique, L’Esprit de Philadelphie n’est pas qu’un ouvrage à destination des juristes et intéresse le Citoyen soucieux d’interroger les évolutions de la société. Il est difficile de décrire le contenu de cet essai : d’abord parce qu’il serait dommage de se priver de sa lecture; ensuite parce que le propos qui y est tenu force le respect par sa clarté et son intelligence. L’essai est également une belle illustration du rôle que la doctrine et le Droit peuvent avoir dans la vie civile : car la technique juridique n’est qu’un outil au service du Droit et peut, à ce titre, être envisagée comme un mode d’explication et de prospective.

 


Partant de la Déclaration concernant les buts et objectfis de l’Organisation Internationale du Travail, du 10 mai 1944, Alain Supiot se livre à une analyse de son esprit – la justice sociale – et de l’utilisation qui en a été faite depuis la seconde moitié du XXe siècle. L’ouvrage se termine sur une annexe essentielle : la Déclaration elle-même, rappel des objectifs vers lesquels doit tendre l’action juridique, trop souvent malmenés et oubliés. Voici donc a priori une enième critique de la dérégulation économique et du libéralisme.

 


Réduire l’ouvrage à cette seule dimension serait éminemment réducteur. D’abord, parce que les arguments employés sont pertinents et clairvoyants. Le propos, déjà développé dans Homo juridicus, relatif à la réification de l’Homme par le scientisme et l’utilisation sans cesse accrue de marqueurs multiples dont « l’image quantifiée qu’ils donnent à voir n’est pas celle de la réalité, mais celle des croyances qui ont présidé à leur élaboration » (p. 85), permet d’appréhender les crises économiques comme autant de symptômes d’une crise du Droit. Asservi aux lois de l’économie, des sciences « dures », le Droit n’est plus ce qui devrait être mais ce qui est. Il est, autrement dit, de plus en plus réduit à un pur élément technique et perd sa juridicité : « or, le problème n’est pas de « réguler » les marchés, comme on régule son chauffage central. Le problème est de les réglementer, ce qui oblige à revenir sur le terrain politique et juridique afin d’y rétablir l’ordre des fins et des moyens entre les besoins des hommes et l’organisation économique et financière » (p. 94).

 


Ensuite, parce que c’est d’un programme dont il est question.  L’ouvrage est en effet éminemment pragmatique malgré des propositions pouvant paraître utopiques. Elles reposent sur des outils juridiques et la démonstration est faite à plusieurs reprises de leur faisabilité (v. par ex. au sujet de la traçabilité sociale, p. 153). On appréciera à cet égard les propos relatifs au rôle de l’assurance maladie (p. 169 et s.).

 


À partir des notions juridiques que sont la capacité , la responsabilité et la solidarité (p. 138 et s. et p. 145 et s.), l’auteur offre les bases d’une reconstruction, d’une réappropriation de cet esprit de Philadelphie. Il amène à comprendre les évolutions du droit des obligations (au travers de la responsabilité objective, de la responsabilité du fait des produits défectueux, par exemple), démontrant que l’objectif est plus ambitieux que permettre l’indemnisation d’un individu, mais bien d’éviter que le fait des autres diminuent la responsabilité de chacun (p. 151 à 155 et p. 159). Il s’agit, on l’aura compris, d’un ouvrage important, qui dépasse le seul cadre du droit social, rappelle l’humanisme consubstantiel au Droit, tout entier contenu dans la définition du Digeste : Jus est ars boni et aequi.

 


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