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23 février 2011 3 23 /02 /février /2011 18:00

 

 

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Il y a quelques semaines j'ai reçu un courriel de Stéphane Bonnefoi producteur sur France Culture Des passagers de la nuit, me rappelant l'existence de son émisson.

 

C'est ainsi que j'ai découvert cet auteur prodigieux et oublié qu'est  André DHOTEL. J'en suis à mon deuxième roman, et je vous ivite à partager les aventures de  Lumineux, dont j'ai extrait le passage qui suit.

 

J'ai dit

 

Plume Solidaire

 

- - - -

 

 

Montréal, le 14 février 2011


"Un soir, en prenant l’ascenseur il vit une petite phrase crayonnée en lettres fines contre la paroi de métal. Cette phrase : « Sans l’espérance on ne trouvera pas l’inespéré »


(…)


Qu’est-ce que cela signifie ? demanda Bertrand.


Je ne le sais guère dit l’homme. Non ne croyez pas que je sois un original. J’ai mon métier, une famille. Mais je suis aussi un simple lecteur. Je collectionne des phrases. Que voulez-vous que fassent les lecteurs ? Qu’ils suivent les idées de ceux qui pensent et qui écrivent ? Moi j’aime mieux me distraire et méditer, en dehors de ma ferblanterie. Chaque matin je prends cet ascenseur, quand tout dort. Je monte et je descends dix fois, et je regarde une phrase que j’écris sur le panneau.


Et à quelle conclusion en venez-vous ?demanda Bertrand.


A aucune conclusion. Certaines phrases sont belles, d’autres méchantes. Ce sont des merveilles bine plus rares que les fleurs des tropiques. Alors, je reste étonné une bonne partie du jour, en travaillant et même quand mes enfants crient et se tiennent mal à table.


Voilà qui est bien dit Bertrand.


Ils prirent ensemble l’ascenseur.


Ma phrase n’était pas finie, dit l’homme. J’écris la suite : « Sans l’espérance, on ne trouvera pas l’inespéré qui est introuvable et inaccessible. »


L’ascenseur grimpa ses huit étages et on redescendit :

Qu’est-ce que cela veut dire : l’inespéré ? demanda Bertrand.


Ce n’est pas moi qui vous ferai comprendre, dit l’homme. Voyez-vous c’est un mot, il existe et il parle de ce qu’on ne connaît pas. Figurez-vous une fleur que personne n’a jamais vue.


Vous êtes un vrai collectionneur dit Bertrand.


Après quoi, ils sortirent ensemble. Le jour était loin encore. Une neige fine tournoyait sous les lampadaires.


Ce serait beau d’écrire des mots dans la neige, dit Bertrand.

 

C’est comme vous voulez, dit l’homme."

 

- - - - - -

 

 



 

Lumineux rentre chez lui


Roman d'apprentissage, Lumineux rentre chez lui raconte l'errance d'un homme qui se cherche, dans une quête existentielle qui l'entraînera au bout de soi. Une rêverie délicate.


Il est des écrivains qu'on lit durant l'enfance et dont on abandonne aussitôt la lecture, les croyant uniquement destinés à la jeunesse. André Dhôtel est de ceux-là. Qui n'a lu, au cours de ses années de collège, dans la foulée d'un Jack London ou du Grand Meaulnes d'Alain Fournier, Le Pays où l'on n'arrive jamais, ce petit roman délicieux qui lui valut un Fémina en 1955? En rééditant, à la demande de la famille de l'écrivain, les douze romans qui constituent la colonne vertébrale de son oeuvre (à ce jour, trois d'entre eux ont paru : Ma Chère Âme, Un Jour viendra et Lumineux rentre chez lui), les éditions Phébus nous invitent à redécouvrir celui en qui Alexandre Vialatte a toujours vu "un talent de premier ordre".

 

André Dhôtel naît en 1900 dans les Ardennes, région forestière qui fournira un cadre enchanteur à son œuvre romanesque. Son service militaire le met en contact avec Robert Desnos, Georges Limbour, Roger Vitrac et Marcel Arland. Avec ces deux derniers, il fonde la revue Aventure, puis s'associe à André Malraux et à Pierre Mac Orlan pour une nouvelle expérience revuiste : Dés. De 1924 à 1928, il s'exile à Athènes, en tant que professeur à l'Institut Supérieur d'Études Françaises. Après plus de dix années de refus éditoriaux (qui le mènent au bord de la dépression), Jean Paulhan le soutient auprès de la NRF en 1943, où il publie un roman : Le Village pathétique. Successivement couronné pour l'ensemble de son œuvre par le Grand Prix de l'Académie française et par le Grand Prix national des Lettres (en 1974 et 1975), il s'éteint en 1991, laissant à la postérité deux recueils de poèmes, quelques essais (sur Rimbaud, Paulhan et Jean Follain), un nombre impressionnant de chroniques fabuleuses, ainsi qu'une quarantaine de romans, dans lesquels il transpose l'atmosphère inquiétante des forêts de son enfance, où le mystère côtoie le fantastique.

 

Publié chez Gallimard en 1967, Lumineux rentre chez lui met en scène un de ces adolescents vagabonds qui semblent avoir obsédé Dhôtel.


Le roman commence par une tentative de vol dans la librairie où travaille Elvire, la sœur de celui que tous surnomment Lumineux, à savoir Bertrand Lumin, jeune homme dont la vie n'a pour ainsi dire pas de sens, et que seuls des détails futiles parviennent à retenir. L'intrigue l'entraîne assez vite dans des hameaux, dans ces petits pays qui sentent bon le terroir, et où apparaissent de belles jeunes filles qui ont pour seul défaut de mourir brutalement. Bertrand mène alors une existence des plus simples. Selon Elvire, les désirs de son frère sont même élémentaires : "Il regarde une mouche voler, et il est content. Il ne voit pas plus loin que la minute qui suit. En somme personne n'est plus heureux que lui." Lumineux n'est certes pas très exigeant; sa gourmandise a la vertu du raisonnable : "En quelque situation que l'on soit la vie s'éveille, le soleil brille, les papillons voyagent, les fleurs s'ouvrent". Et pour Bertrand, cela suffit presque. Mais heureux, dans ce monde "où on a bien du mal à comprendre quoi que ce soit", c'est quand même beaucoup dire. Ne parvenant à se fixer nulle part, il passe de petit boulot en petit boulot, sans cesser de compte sur l'avenir avec la même foi inébranlable, croyant imperturbablement dans le langage des signes, auxquels il se fie en aveugle pour avancer, s'en remettant aussi bien aux arcs-en-ciel qu'aux moineaux volant au-dessus des prés, ou aux paroles que le hasard jette sur sa route, quand bien même elles seraient celles d'un ivrogne. Invariablement, les signes lui promettent le plus brillant des destins, et, bien qu'ils se trompent souvent, Bertrand continue d'attendre "l'événement impossible qu'il espérait depuis son enfance".


Comme dans les vrais romans, où il arrive que le destin favorise soudain le héros, l'événement impossible en vient un jour à se produire : Bertrand gagne une somme considérable à la loterie, somme qui le propulse sur le devant de la scène. Il côtoie alors quelques grands du monde (ou qui se croient tels); au cours de dîners ennuyeux avec des notables du coin, on lui promet même un mariage avantageux; mais on comprend bientôt que l'argent ne pourra pas tout pour cet homme toujours en quête de sa propre vérité, toujours aussi attiré par la nature, et requis par un rêve qu'il ne parvient pas à formuler (à moins qu'il ne s'agisse de faire le tour du monde, pour des raisons connues de lui seul). Et fatalement, son destin le rattrape : un soir, il fait une (mauvaise) rencontre; quelques mois plus tard, il est ruiné.

 

Après avoir joué un rôle de premier ordre (sorte de conseiller culturel), Bertrand, qui semble être "né pour faire n'importe quoi", va de nouveau connaître la condition de subalterne, se rapprochant alors des bois, où il peut enfin "regarder le ciel à travers les branches", se trouvant un temps soupçonné d'avoir tué un garde-chasse, et se plaisant dans la seule compagnie des vaches -son idéal du moment, dans cette vie devenue animale, étant alors "d'être vacher, en attendant de faire le tour du monde", ou plus exactement de retrouver l'élue de son cœur à Paris.


Henri Thomas incitait à se méfier de la "redoutable simplicité" d'André Dhôtel. Il est vrai qu'en plantant volontiers ses racines dans l'univers des contes, avec ses prés inondés de soleil, ses sylves bavardes, et ses nymphes au regard qui ensorcelle, ce roman a de quoi charmer le lecteur, au risque de le faire passer à côté de l'essentiel. Lumineux rentre chez lui est beaucoup plus qu'un divertissement; il pourrait bien être un roman de formation, car derrière son apparente simplicité se cache une quête existentielle : dès les premières pages, Bertrand se désespère de n'être pas encore un personnage, alors que son ami Lucien est déjà chef de famille, et fonctionnaire. Mais il lui faudra aller de Charybde en Scylla ("Il n'y avait pas eu de drame, il n'y aurait pas de drame. L'usure pure et simple") pour comprendre qu'être un personnage c'est surtout être en soi :"Chacun en somme se trouve dans ses idées comme dans un pays différent des autres". Un pays où l'on arrive difficilement.


Lumineux rentre chez lui

André Dhôtel

Phébus libretto

286 pages

 

© Le Matricule des Anges et ses rédacteurs

Didier Garcia

 


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commentaires

D
<br /> <br /> hummmmm!!!! Ca donne envie de le lire! Encore une sorte de philosophie à méditer sur soi par rapport aux autres et vice-versa...<br /> <br /> <br /> Diane Co<br /> <br /> <br /> <br />
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