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3 janvier 2015 6 03 /01 /janvier /2015 23:06

Fontaine - Marcel Duchamp (1917)

 

Il fut un temps pas si lointain où la tolérance mainstream célébrait la fraîche liberté individuelle conquise, par la dérision, l'ironie, et l'humour noir. Affranchie des conventions de la société patriarcale des années 60, elle permettait l'irrévérence à l'égard du sacré.

Cette inconscience, et cette méconnaissance de la complexité et de la versatilité des choses de l'esprit qui fait la spécificité de chaque période de l'histoire, tenait à une forme de tolérance à l'impertinence, qui atteignait souvent l'insolence, et parfois la provocation iconoclaste.

Marcel Duchamp en avait ouvert la voie dans le domaine artistique en inventant le ready-made, et en dénommant, en 1917 Fontaine un urinoire renversé, en porcelaine. Après avoir visité quelques FIAC successives et diverses galeries et expositions d'oeuvres actuelles, je ne dois pas être le seul à me demander si aujourd'hui l'art contemporain s'extraiera un jour de sa gangue duchampienne. 

Parmi les thèmes favoris de l'invective expiatoire figurait la religion, qui domina un millénaire moins trois décennies, notre partie de l'occident européen, je veux dire l'Europe et je veux parler de la religion catholique romaine. Elle ciblait aussi, autre thème de prédilection, la "France, fille aînée de l'Eglise" à travers l'Etat - qualifié de policier - toujours suspect d'excès d'autorité, et ennemi héréditaire des libertaires de tous poils des plus libéraux aux anarchistes. 

Je n'ai pas le souvenir que le fait de moquer le clergé, et rire des rites ou des fêtes religieuses ait tué quiconque dans notre pays. 

Une autre France vivait dans le silence, indifférente pour partie à ces pantolanades sarcastiques. Ou peut-être que, une autre frange, convaincue de possèder les clés des portes du Paradis, attendait l'éternel retour des vraies valeurs : les siennes. Il n'a suffi, pour cette France en veille active et prête au rebond, que de patienter. Le vide de sens laissé par les insurgés des années rebelles égarés dans les allées du pouvoir mittérandien et des industries de la consommation hédoniste; puis l'effondrement en 1989 du communisme symbolisé par les coups de pioche assénés sur le Mur de Berlin, ont sonné les cloches du revival.

Je crois pouvoir dater les débuts des retours de l'intolérance religieuse à l'affaire des Versets sataniques de Salman Rushdie, dont le livre édité en 1988 lui valut une fatwa de condamnation à mort en 1989. Parmi les dernières métamorphoses de ces arrière-mondes, figurent les caricatures de Mahomet publiées en France dans le magazine Charlie Hebdo*; ainsi que tout récemment, la puissante Manif pour Tous animée avec une ferveur ardente par les milieux catholiques dits "traditionnels".

* voir le documentaire de Caroline Fourest Les cahiers de doléances : Anti-islam la France ?

Assises sur le même socle monothéiste, les minorités activistes des trois religions du Livre partagent, tout en s'ignorant, ou en s'excluant mutuellement selon leurs dogmes respectifs, les valeurs de la suprématie de la famille hétérosexuelle et une homophobie latente ou explicite, certaines tentatives de débordement des normes religieuses dans la vie sociale, l'affirmation des identités communautaires et, d'une manière ciblée ou plus globale: le rejet de ceux qui ne leur ressemblent pas. Sans oublier, ce canon des moeurs édicté par une certaine interprétation de la Bible, du Coran et de la Thorah, qu'est la domination de l'homme sur la femme.

Enfin, sans vouloir les vouer aux gémonies, le bon veil antisémitisme qui suscite, un renouveau du désir d'émigration de nos compatriotes vers Israël, et s'exprime de manière plus fréquente et brutale, n'est pas entièrement étranger aux cultures chrétiennes et musulmanes. 

La lutte d'influence sur l'ensemble de la société, que conduisent les deux principales religions établies en France, participent à ce grand retour du refoulé du religieux traditionnel, au sein d'un marais poussé à un individualisme lui-même porté à l'incandescence. Au retour en force de toutes ces formes de croyances qui sont autant de fictions supposées procurer une protection magique dans un présent qui voit s'éroder semaine après semaine les acquis sociaux, et devant un avenir ressenti comme une source d'anxiété.  

 

- - - - - - 

 

La vidéo, que j'ai empruntée aux archives de l'INA, de Pierre Desproges décédé le 18 avril 1988, quelques mois avant la condamnation à mort de Salman Rushdie, nous rappelle que cinq ans auparavant un humoriste pouvait brocarder une religion sur le petit écran d'une chaîne de la télévision publique.

C'est aussi une invocation dérisoire, que dis-je, une supplication pour la préservation de notre héritage laïque républicain; pour ses valeurs de tolérance, de la liberté de conscience, et d'expression.

C'est donc aussi un appel ironique au respect de la philosophie de l'athée que je suis, sensible à la pensée rationnelle de Spinoza et à la sagesse taoïste, du mécréant qui aime méditer dans les églises, et de l'infidèle admiratif de l'art religieux.

La spiritualité tournée vers les hommes, la soif de connaissance, l'amour de la nature, la beauté des oeuvres d'art, le rire et l'humour aident à vivre heureux et plus libre.

Alors vive les Rois et puis Fanie !

 

Plume Solidaire

 

 

 

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