Mise à jour le 21 mars 2012, 6 décembre 2022
Un jardin exotique à Paris par mairiedeparis
Au retour de mon dernier séjour au Vietnam en 2005 j'ai écrit un texte illustré, documenté et augmenté d'une bibliographie, substantielle de mon prétentieux point de vue.
J'y ai travaillé 6 mois. J'y abordais des thèmes tels que les diverses religions, les ethnies, le mandarinat et le confucianisme, l'histoire du Vietnam des origines au communisme en passant par l'étude des différentes périodes de la colonisation française, les effets à long terme de l'agent Orange (dioxine), l'économie, les traditions... d'hier et d'aujourd'hui. Bref un vrai travail de mandarin.
Je me suis naturellement aussi intéressé par extension aux expositions coloniales et aux zoos humains.
Exposition coloniale de 1907 - Visiteurs intéressés par les femmes exhibées dévêtues
Source Onac78
Lorsque j'ai découvert l'existence du Jardin Tropical de Paris en novembre 2005 j'ai voulu immédiatement en faire l'exploration.
L'endroit, qui se trouve en bordure du bois de Vincennes et d'une rue jalonnée de jolies villas, est discret. On y pénètre par une reproduction de portique asiatique qui marquait l'entrée de l'exposition de 1907.
J'ai tout d'abord été frappé en constatant l'état d'abandon du site, malgré un début d'élagage et de taille des arbres ; et l'absence de toute surveillance publique.
Puis j'ai été saisi par cette impression étrange qui vous envahit lorsque vous prenez subitement conscience que vous vous trouvez dans un endroit « chargé d'histoire ». Un site sans vie, oublié de tous, à l'écart des foules de la ville ; où pourtant deux millions - je répète en chiffres : 2 000 000 - de personnes se sont promenées pour observer des femmes et des hommes se livrant à leurs activités quotidiennes ou coutumières. Des femmes et des hommes directement transplantés de leurs villages d'origine sur toute la planète, dans des villages factices ; contraints d'y vivre le temps de l'exposition, et directement acheminés dans leur village au retour.
Tel était le principe du zoo humain. A la fois une extraordinaire leçon de géographie humaine pour les métropolitains, et une terrifiante démonstration politique de la "culture" coloniale de la France de la III ème République.
Peu à peu je me suis trouvé au milieu d'une « friche » historique et culturelle. Les bâtiments plus ou moins délités et les monuments, aux origines géographiques reconnaissables à leur architecture, à leurs décorations et à leurs symboles, livraient le sens de leur présence : leur fonction de représentation et de mise en scène de la puissance de l'empire dans ce qui fut une exposition sous la forme nouvelle et attractive à l'époque d'un musée ethnologique vivant.
Immergé dans ce site comme j'avais pu l'être à Delphes, Volubilis ou Ephèse, ces traces artificielles mais solides d'une manifestation éphémère ont été pour moi les supports d'un voyage imaginaire profondément émouvant et troublant dans l'histoire des hommes de France. Dans l'histoire des représentations de l'homme et de leurs relations - des « mentalités » de l'époque du colon et du colonisé - ; interrogeant en retour cette fameuse identité nationale qui fait résurgence au point d'en constituer à présent un ministère.
Lieu méconnu aujourd'hui, jadis parc d'attraction , maintenant ruines qui témoignent du refoulé d'une partie de notre mémoire. Devenu justement lieu de mémoire pour celles et ceux qui rendent encore hommage ici à Paris, à celles ceux qui venaient de toutes les colonies de l'empire et qui sont morts au nom d'un certaine idée que les français s'étaient faits d'eux-mêmes et de la France, et de ses intérêts. Et qu'elle inculquait aux indigènes.
Dans les notes que j'ai retrouvées ce matin j'avais relevé les traces qui m'avaient particulièrement touchées :
Une plaque rappelle que René Dumont, considéré comme l'inventeur de l'écologie politique a été étudiant à l'école des ingénieurs d'agronomie coloniale qui au début ne comptait que quelques étudiants.
- Le superbe pavillon du Congo a été détruit par un incendie en 2004, les restes calcinés sont restés en l'état
- Le monument aux morts malgache, isolé sur une allée est superbe. De style art déco et probablement en marbre.
- Particulièrement émouvants sont les monuments aux morts laotiens et cambodgiens, qui contrastent avec l'importance de celui qui est consacré aux vietnamiens
Plusieurs informations, en particulier celles qui figurent sur les panneaux qui présentent les bâtiments ne sont pas mentionnées dans ce site Internet. »
Cependant je ne puis que vous inciter à lire le site de ONAC78, baudelet.net et Le Jardin d'Agronomie Tropicale sur Paris.fr , qui à mes yeux est celui qui restitue le plus fidèlement l'histoire de ce lieu.
Plume Solidaire